La rémunération contractuelle des services supplémentaires rendus par le gestionnaire suite aux modifications législatives.

L’adoption et l’entrée en vigueur récente ou prochaine des projets de loi 16 et 141 ont apporté et apporteront bientôt d’importants changements législatifs dans le domaine de la copropriété divise. Ces modifications au Code civil du Québec ont pour effet d’imposer de nouvelles obligations aux syndicats de copropriété. On peut penser par exemple à la constitution du fonds d’auto assurance, l’établissement de la fiche descriptive des parties privatives, la réalisation de l’étude du fonds de prévoyance, l’établissement du carnet d’entretien de l’immeuble ou encore les obligations résultant des nouvelles dispositions en matière d’assurance et de gestion des sinistres.

Tout cela implique de nouvelles tâches administratives pour le conseil d’administration. Effectivement, les administrateurs devront investir plus de temps et d’énergie pour voir à ce que le syndicat respecte chacune des nouvelles obligations imposées par la loi. Ces derniers devront faire appel à différents professionnels pour faire des évaluations de l’immeuble et obtenir les études et les documents requis par la loi, ils devront alors étudier différentes soumissions et négocier des contrats de services avec ces professionnels, sans compter le temps de communication avec les copropriétaires à ce sujet. Les administrateurs auront aussi à intervenir auprès des assureurs du syndicat et des copropriétaires en cas de sinistre pour négocier et tenter de s’entendre avec ceux-ci dans un contexte difficile où les assureurs refusent presque systématiquement d’indemniser les assurés dans certaines circonstances.

Dans les cas où le syndicat aura retenu les services d’un gestionnaire, c’est généralement ce dernier qui sera appelé à assumer la majeure partie de ces tâches. Dans ce contexte, il sera autant dans l’intérêt du syndicat que dans celui du gestionnaire que la rémunération des tâches additionnelles découlant des changements législatifs soit clairement établie dans le contrat de service liant ceux-ci. En effet, cela sera profitable au syndicat puisqu’il pourra bénéficier d’un contrat clair et ainsi s’éviter de mauvaises surprises et des charges qu’il n’avait pas prévues si le gestionnaire facture ces tâches additionnelles en invoquant une clause générale. Le gestionnaire, de son côté, pourra ainsi s’assurer une rémunération à la hauteur de tout le travail qu’il aura accompli pour le syndicat.

Comme la loi est en constante évolution et les modifications législatives sont généralement très difficiles, voire impossibles à prévoir à moyen ou long terme. Nous suggérons d’insérer aux contrats de services liant les gestionnaires et les syndicats de copropriété une clause qui pourrait être formulée de la sorte :

XX. Toutes prestations de services supplémentaires fournis par le gestionnaire découlant directement ou indirectement de modifications législatives ou règlementaires imposant de nouvelles obligations légales au syndicat ou modifiant ses obligations existantes seront facturées en surplus, au prix de ___ dollars ($) /heure.

Par l’ajout d’une telle clause ou d’une clause similaire dans les contrats de gestion, les parties au contrat pourront assurément sauver du temps et prévenir des litiges à naître liés à la contestation des honoraires du gestionnaire par le syndicat. En effet, en l’absence d’une telle clause, des litiges en recouvrement de créances sont susceptibles de survenir, à l’occasion desquels il faudra se pencher sur l’interprétation du contrat de gestion afin de déterminer si ce contrat permet ou non au gestionnaire de facturer les services supplémentaires résultant des nouvelles obligations légales du syndicat. Ces litiges devant les tribunaux impliquent d’importants frais d’avocats tant pour le gestionnaire que le syndicat, ce qui n’est évidemment souhaitable pour personne.

En effet, il peut être difficile pour les gestionnaires de justifier la facturation de prestations découlant de l’impact des modifications législatives par une simple clause générale visant les prestations particulières. Par contre, on peut difficilement imaginer que de telles prestations puissent être exclues de l’application du contrat de gestion puisque lorsqu’il s’agit d’interpréter le contrat, on doit rechercher quelle était la commune intention des parties au moment de sa signature. Le gestionnaire pourra à ce moment prétendre, avec raison, que l’impact des nouvelles lois ne pouvait être prévu et qu’il était dans l’intention des parties que les obligations supplémentaires qui en découlent pour lui puissent être facturées à titre de services supplémentaires, permettant ainsi au syndicat de ne pas être en défaut par rapport à ces nouvelles exigences légales, ce qui est aussi dans l’intérêt de ce dernier.

Bref, il est important qu’une clause claire soit prévue au contrat de gestion afin de prévoir et déterminer spécifiquement la rémunération des prestations de services supplémentaires du gestionnaire visant à assurer que le syndicat respecte toutes ses obligations découlant de toutes modifications législatives ou règlementaires. Le gestionnaire quant à lui, devrait toujours, avec la plus grande diligence possible, tenir informé le syndicat de la survenance de ces nouvelles tâches et des frais afférents que le syndicat aura à assumer.

 

Par Me Philippe Gagnon-Marin, avocat
LJT AVOCATS, s.e.n.c.r.l.
Équipe Papineau – Copropriété