La professionnalisation du métier de gestionnaire de copropriétés

Avec la pénurie de main-d’œuvre qui touche toutes les industries au pays, il est de plus en plus important d’assurer l’attractivité d’une profession afin d’être en mesure d’y attirer de la relève.  Le métier de gestionnaire de copropriétés n’y échappe pas, car comme partout, il y a pénurie de professionnels dans ce domaine. Est-ce qu’une professionnalisation pourrait nous aider à améliorer le fonctionnement de cette industrie, tant pour les employés qui y travaillent que pour les clients qui reçoivent les services des firmes de gestion ?  C’est une excellente question !

Le Gouvernement avait dit, sans s’y engager formellement, envisager d’encadrer cette profession lors des discussions sur le projet de loi 16 au printemps 2019.  Est-ce que cela pourrait faire partie d’un engagement électoral…à suivre !  Par contre, pour aider les parlementaires à se faire une idée de la position des gestionnaires de copropriété sur la question, l’Association Québécoise des Gestionnaires de Copropriétés (AQGC) a fait un sondage auprès des gestionnaires de copropriétés et a alimenté la discussion une fois au sein de ses membres et une seconde fois en invitant tous les gestionnaires du Québec.  L’Ordre des administrateurs agréés du Québec (Adm.A) et l’Organisme d’autoréglementation et de courtage du Québec (OACIQ) ont également été rencontrés par l’AQGC pour comprendre leurs positions et intérêts face à cette éventuelle professionnalisation et ce qu’ils pourraient apporter aux futurs adhérents.

Dans cette mouvance, CondoLégal a proposé d’offrir son micro pour tenir une webradio sur le sujet le 16 juin prochain à 19h avec des gestionnaires de copropriétés membres de l’AQGC. Pour y assister en direct, dirigez-vous sur le Facebook de CondoLegalNous pourrons donc vous entretenir sur les conclusions de nos différents échanges.

Pour mettre la table sur la question : pourquoi la professionnalisation ?

Il pourrait paraître contre-intuitif d’envisager d’encadrer un métier pour y attirer des professionnels, alors qu’il y a déjà une pénurie de gestionnaires.  Étonnamment, c’est probablement la seule solution, car nous sommes ici dans une situation de la poule ou l’œuf. Si on n’encadre pas, on complique la vie des compagnies qui veulent bien faire les choses.

En effet, comme partout au Canada, la gestion de copropriété est un domaine très fragmenté et formé de plusieurs petites compagnies, car il y a peu de barrières à l’entrée.  Cela a cependant pour conséquence que certains gestionnaires connaissant à peine le métier peuvent monter un site web et ouvrir boutique le lendemain.  Ils auront alors la même offre de services que toutes les autres compagnies, mais la question qui persistent : livreront-ils vraiment les services promis ?  Souvent, pour obtenir des contrats, le premier réflexe sera de couper dans les prix, ne comprenant pas complètement la portée du travail qui doit être réalisé par le gestionnaire, ce qui empêchera la compagnie d’embaucher les personnes requises (en nombre et en compétence) pour faire le travail attendu.  

« Livrer les services » ne veut pas dire satisfaire tout le monde (c’est impossible lorsqu’on applique une déclaration de copropriété et qu’on travaille avec le public) et dire oui à toutes les demandes des conseils d’administration et des copropriétaires dès qu’elles sont formulées (le temps manquera assurément).  C’est d’emblée une erreur que font beaucoup de nouveaux gestionnaires et qui malheureusement va souvent les mener vers l’épuisement professionnel et ensuite à quitter l’industrie.  Une industrie de fou qu’ils diront !  Pour réussir à « livrer les services », cela vient avec un important rôle de gestion des attentes afin de prioriser les dossiers (urgent-vs- important) et d’être en mesure d’accomplir ce qui est essentiel pour l’immeuble et sa collectivité, et ce, à l’intérieur d’un temps restreint (dicté par le contrat de gestion) et des ressources mises à disposition du gestionnaire (conciergerie, intendant, etc.).  C’est là que ça devient souvent difficile, car au-delà des compétences, le temps à dédier à un immeuble est souvent extrêmement limité, car les honoraires de gestion au Québec sont plus bas que partout au pays (spécifiquement en copropriété) et la moitié de celles pratiquées en gestion immobilière locative (et on ne parle pas du commercial).  Il y a donc un défi d’efficacité propre à la gestion de copropriété que plusieurs personnes ne réalisent pas toujours, d’autant plus que le cadre juridique y est le plus complexe que tout autre secteur de l’immobilier.

C’est là qu’il devient donc important d’alimenter la réflexion entre les professionnels, car il faut notamment clarifier : 

  • Le rôle d’un gestionnaire (-vs- le concierge, l’intendant et les autres professionnels)
  • La portée d’un contrat de gestion type auquel peut s’attendre le client 
  • Les pratiques à proscrire pour respecter un cadre déontologique et maintenir notre intégrité
  • Etc.

Pour pratiquer dans cette industrie depuis 12 ans, c’est une belle industrie, une industrie passionnante ! 

Toutefois, comme gestionnaire de copropriétés, il faut savoir mettre ses limites afin d’être en mesure de « livrer les services », trouver un équilibre professionnel et ainsi protéger le public.  C’est d’ailleurs dans le but d’alimenter cette réflexion que l’AQGC est née fin 2019.  En effet, avec un nombre de lois grandissantes (et donc une charge de travail conséquente), les gestionnaires avaient besoin de trouver des solutions pour gagner en efficacité afin d’être en mesure de « livrer les services ».  Tous les gestionnaires de copropriétés qui participent à cette association et que j’ai eu la chance de rencontrer veulent bien faire les choses et livrer les services promis.  Ils voient chaque jour les bénéfices de ces discussions formelles et informelles que nous entretenons entre confrères et consœurs de métier pour amener des meilleures pratiques ainsi que les bénéfices de plus de formation adaptée à leurs besoins.   Ces échanges, ils sont précieux, car ils nous aident à nous améliorer pour travailler mieux chaque jour, et ce, dans l’intérêt de nos clients et… de notre crédibilité comme gestionnaire de copropriétés.

La suite de cette démarche est donc naturellement l’encadrement par un Ordre professionnel afin de faire reconnaître la crédibilité des gestionnaires qui veulent bien faire les choses.  Évidemment, les gestionnaires qui se disent professionnels n’auront aucune objection à respecter un code de déontologie, lequel est impératif à la participation à tout ordre professionnel.  Toutefois, aucune association ne saurait se substituer à un syndic pour mettre en force un tel cadre de pratique.  C’est donc là que l’Ordre professionnel devient indispensable !  C’est la seule façon de forcer les gens à bien faire les choses pour « livrer les services » et à ce que les entreprises mettent en œuvre un cadre opérationnel pour arriver à le faire.

En conclusion :

Être gestionnaire de copropriété, ce n’est pas de tout repos et j’ai vu plusieurs personnes lancer la serviette au fil des années, malgré leur passion pour l’immobilier, leur énergie et leur talent. Il faut donc améliorer le contexte pour les gestionnaires qui pratiquent fièrement ce métier pour les aider à intéresser d’autres gens de qualité à se joindre à eux et assurer la rétention de ceux-ci à long terme. 

Actuellement, avec les nouvelles lois et règlements (et certains ne sont même pas en vigueur) et la charge de travail qui augmente, le moment est crucial de bouger avec la professionnalisation avant que d’autres gens talentueux, qui veulent bien faire les choses, ne lancent également la serviette.  Profitons de la vigueur des entreprises qui œuvre en gestion de copropriété pour les aider à réussir.  Aidons-les à assumer avec confiance le rôle qui vient avec une tâche de gestionnaire de copropriété (eh oui, nous sommes les DG de plusieurs microsociétés qui doivent rendre des comptes à des conseils d’administration) en rassurant les clients sur leur compétences et leur intégrité.

La gestion de copropriété est une profession jeune et donnons-lui la chance de grandir avant qu’elle ne se meure.

Au plaisir d’en rejaser avec mes confrères et consœurs de profession, Valéry Couture et Guillaume Bernier, tous les deux également membres de l’AQGC ainsi qu’avec Me Joli-Coeur qui apportera un éclairage juridique sur cet enjeu important, lui aussi étant favorable depuis nombreuses années à cet encadrement.  C’est donc un rendez-vous le 16 juin prochain en mode Webradio.

Élise Beauchesne
Gestionnaire de copropriétés
SolutionCondo

Cliquez ici pour consulter les résultats du sondage concernant la professionnalisation du métier de gestionnaire de copropriétés.